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Pour vous prouver combien l'exercice de notre métier peut être périlleux, je citerai deux mésaventures dont Zan fut douloureusement la victime.Le premier incident se produisit au cours d'un récital que nous donnions au gîte familial de Lanslevillard, chez Josette et Manu. Comme lors de récentes représentations, l'espace scénique était composé d'une table de ping-pong reposant sur des casiers à bouteilles; le tout enrobé de papier crépon rose. L'instabilité et l'exiguïté de cette estrade peu orthodoxe ne tolérant aucun mouvement brusque, Z.Z.Z. avaient opté pour un hiératisme des plus classiques.
Nous terminions notre second rappel.

Zil et Zoul s'étaient approchés du public qu'ils saluèrent à cinq reprises.
Zan décida alors de se débarrasser de son banjo.
Vaste programme!
        La bretelle de l'instrument s'étant emberlificotée dans son ceinturon, le compositeur du groupe piqua une de ces colères intérieures qui permettent parfois à l'homme
de se libérer de certaines étreintes.
        Efficace ! le courroux du musicien qui, au énième salut de ses partenaires, parvint à ôter la bandoulière de son épaule. Malheureusement, dans sa hâte, il avait omis de mesurer les dégâts qu'un manche pouvait faire au contact d'une arcade sourcilière.
Résultat: trois points de suture!       

 A l'origine du deuxième incident: la table de ping-pong suscitée, utilisée, cette fois-ci,
à des fins exclusivement sportives et le formidable match qu'engagèrent, le lendemain matin, Zan et Pat, l'un de nos régisseurs que je ne manquerai pas de vous présenter
un de ces jours. 
La salle polyvalente du gîte familial regorgeait de spectateurs venus encourager
les pongistes se distinguant, qui, d'un passing, qui, d'un revers, ménageant le suspens par un score de parité au terme de la rencontre 19-19 après une heure d'affrontements.   
Zan au service. Une goutte de sueur froide ruisselant le long de sa fraîche blessure. Inspiration, expiration, bref regard conquérant sur son adversaire, silence exigé.
        La foule, massée de part et d'autre du court de tennis miniature, se tut sur le champ.
        Nouvelle inspiration, triple rotation du poignet dans le but d'impressionner
son vis-à-vis, frappe tendue...
Avantage!
Pat s'épongea le front.   
 Etait-ce l'émotion ? Le syndrome de la défaite ? Ou tout simplement la chaleur étouffante d'un été caniculaire ?! Toujours est-il qu'après avoir quitté sa chemise,
il supplia un vacancier d'aérer la pièce. Ce qui fut fait illico.
        Remise en jeu impeccable, smash au ras du filet...
Egalisation!
        Les nerfs des deux champions furent, à ce moment de la partie, soumis à rude épreuve. Zan se baissa alors pour ramasser la petite balle en celluloïd venue se loger sous le radiateur, lui-même logé sous la fenêtre ouverte quelques instants auparavant.
        Soudain: coup de théâtre ! Un léger courant d'air vint positionner le battant au-dessus du crâne de celui qui, ne doutant de rien, se releva naïvement.
Je vous laisse imaginer la casse!
        Bien que sérieusement sonné, notre infortuné camarade poursuivit le set,
le termina et le remporta sous les acclamations des pensionnaires du gîte.
        Trois points de suture supplémentaires et l'incident était clos.
        Il est à noter qu'en vingt ans de carrière, aucun contrat ne fut résilié.
Pas même le jour où, victime d'un lumbago, Zoul dut déclarer forfait.
Pas plus lorsque le baromètre rectal de Zil afficha 40°5.
Chaque fois des solutions furent trouvées. Chaque fois les galas furent assurés.
        
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