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Tout a commencé au Blanc-Mesnil, en 1968, un temps où en mai on écrivait sur les murs " Soyez réalistes demandez l'impossible". Gilles, Jules et Jean ont pris ce slogan au pied de la lettre. "C'était une époque charnière qui a marqué son monde. Une époque dont on ne sort pas indemne. Mais, elle nous a offert la possibilité de faire le métier que nous aimions, de découvrir autre chose que le système. II existait une autre vie, du moins nous en étions persuadés." Chacun avait un pied dans la musique, Gilles et jean respectivement dans un groupe de rock, Jules fréquentant déjà le jazz et la contrebasse. Jean aimait bien les Beatles et faisait des arrangements |
sur des chansons des idoles d'alors, Dutronc entre autres. Gilles écrivait celles de son groupe. Se sentant à l'étroit dans cette expression et poussés par la fièvre de nouveauté de cette fameuse année, ils décident ensemble, armés, non pas de pavés, mais d'instruments acoustiques (guitare, banjo, contrebasse), de dépoussiérer ce qui les passionnait le plus: la chanson française. Ils touchent juste puisqu'ils participent en 1969 à la finale des "Relais de la chanson française" avec leurs propres titres. Remarqués, ils font quelques télés mais le charme n'opère pas sur eux: "Ce n'était pas notre monde, nous voulions rencontrer le public." |
Logique au fond, Gilles et Jules gardaient de leur action de militants syndicaux - qu'ils resteront jusqu'en 1972 - le goût du contact avec les gens, du partage, de l'échange direct que ne peut offrir un studio de télévision. Lucien Morisse, grand découvreur de talents si il en fut, les remarque, leur fait signer leur premier contrat. Un disque suit chez AZ. " Nous lui rappelions sa jeunesse, il était séduit par le fait que l'on ne quitte pas notre métier, que Gilles et Jules continuent de militer dans leur usine. " Malgré tout, l'osmose ne se fait pas non plus dans les couloirs d'Europe 1, trop de décalages dans les centres d'intérêt. Leur mentor se suicide, ils n'avaient plus de raison de rester. Ils font, avec plus de moyens, un deuxième disque, prévu dans le contrat. Mais, comme le résument nos trois compères: "Ce n'était plus nous". Le contrat est rompu, Gilles, Jules et Jean poussent un soupir de soulagement, la véritable aventure commence. | Et cette aventure c'est la scène, le public, les tournées, près de cent vingt galas par an. Dans le même mouvement Jean est licencié, Jules, ne pouvant plus décemment assumer ses fonctions de délégué du personnel dans son entreprise, démissionne. La chanson n'est plus seulement un supplément d'âme elle devient l'essentiel de leur vie. Nos trois amis sillonnent la France, MJC, villages vacances, comités d'entreprise. " Nous n'étions pas beaucoup payés, mais par effet boule de neige, les contrats étaient nombreux, cela suffisait à notre bonheur. II nous arrivait parfois d'être en concurrence avec des vedettes plus connues que nous et d'avoir plus de spectateurs. Nous étions dans une dynamique où la vie associative était riche, où les spectateurs étaient curieux, surtout de connaître une facette peu médiatique de la chanson française. II n'y avait pas de barrière avec le public, mais de véritables rencontres. Souvent après le gala, nous restions avec les gens." |
Des chansons, Gilles, Jules et Jean en ont composées près de cent et sorti sept disques. Elles parlaient des choses de la vie, du quotidien de ceux qui venaient les écouter, non pas comme porte-parole d'un engagement -Laguillier mis en musique - mais comme le simple miroir des' réalités, avec toujours en filigrane l'espoir, la lutte pour un monde meilleur, sans jamais se départir de l'humour indispensable. Pendant des années ils ont tout fait à trois, conduire, installer les éclairages, monter, démonter le matériel. En 1978 ils s'adjoignent un clavier, un batteur, peaufinent leur spectacle, introduisent des sketches. L'aventure dure jusqu'en 1986: "La vie associative s'effilochait, les comités d'entreprise disparaissaient ou s'éparpillaient dans les restructurations, l'état d'esprit n'était plus le même. Financièrement, nous éprouvions de plus en plus de difficultés. Notre motivation n'était plus la même. |
Moins
on fait de galas, plus on doit répéter, plus on a le trac,
nous commencions à ramer, alors." Alors, chacun petit à petit a trouvé du travail, Jean est resté dans la musique, il est arrangeur, Gilles donne des cours dans le cadre des formations en entreprise, Jules est chauffeur routier. Leur dernier véritable concert, ils le donnent en 1991 à l'occasion de la naissance de la petite-fille de Gilles. Aujourd'hui, la nostalgie n'est pas de mise: "Nous avons fait un beau boulot pendant presque 15 ans, quelque chose que nous désirions fort. La vie de tournée était fatigante mais très riche. Nous avons rencontré des gens merveilleux. C'était fantastique de réunir trois personnalités complètement différentes sur un même projet: aider à changer le système. Nous rêvions peut-être, mais nous n'étions pas les seuls. " · Dominique Duclos |
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